RL1. Évaluation de l'exposition

  • Sort des contaminants. Pour les contaminants minéraux ou organiques, nous avons étudié les mécanismes et/ou les processus de dégradation ou de piégeage par les constituants du sol (de Santiago-Martín et al., 2015; Spadini et al., 2018). Les teneurs totales ont été mesurées soit pour spatialiser la contamination (sur le terrain, après une gestion des terres ou sous une pression anthropique), soit pour suivre les changements survenus au fil du temps après certaines entrées (sur le terrain ou ex-situ dans des microcosmes), et liées à des effets sur des organismes du sol spécifiques ( Nélieu et al., 2016). Nous nous sommes également intéressés à la gestion de ces contaminants, cherchant ainsi à éviter leur dispersion grâce au remplacement d'un produit par un autre (projet EDIFIS) ou en favorisant leur biodégradation ou encore en limitant leur biodisponibilité (projets GESIPOL ou PIEGEACHLOR) ou alors durant la phase traitement des déchets (Ardo et al., 2015; projet TRICLOSAN). Dans tous les cas, ces études nécessitent des méthodes d'analyse adaptées : les développements analytiques constituent donc un élément essentiel des recherches (Goulas et al, 2017). Un projet (le projet CICESOL) était spécifiquement consacré à l’exploitation des "42 parcelles" de INRAE Versailles, dispositif expérimental de longue date en jachère depuis 90 ans et de ses archives historiques de sols déposées sur un Luvisol, représentatif de vastes zones du nord-ouest de l'Europe. Des parcelles sans ou avec application continue d'une série d'engrais N, P et K et d'amendements basiques et organiques ont été étudiées pour évaluer les modifications de leurs propriétés biogéochimiques et physicochimiques. Dans les sols de référence sans engrais, les apports cumulés de dépôts atmosphériques de contaminants métalliques (somme de Pb + Zn + Cr + Co) pourraient être budgétisés et atteindre 200 kg / ha en 85 ans. Lors de la fertilisation, nous avons déterminé que certains processus du sol peuvent être activés, comme l’acidification et la dissolution de minéraux, ainsi que la lixiviation de métaux traces (Cd, Ni, Co, Mn) avec des engrais à base d’ammonium, ou la lixiviation de l’argile et la mobilité des oligo-éléments associés (Tl, Sc , Ni, Cr, As) dans les engrais à base de sodium et / ou de potassium.
    Les contaminants biologiques, tels que les cyanotoxines (microcystine-LR), ont également été pris en compte dans le contexte de l'irrigation des sols avec de l'eau contaminée, du transfert vers les cultures et de l'impact écotoxicologique (Corbel et al., 2014; 2015). Il a été démontré qu'un risque élevé de lessivage de toxines du sol vers les eaux souterraines était présent. L'exposition dans le sol à des concentrations réalistes de microcystines dans l'environnement a affecté la germination des graines, selon les espèces de plantes. Il a également été mis en évidence les perturbations dans le fonctionnement des bactéries du sol à travers le processus de nitrification du sol.
fig 19

Figure 19. Conceptual model of causal relationship between level of

contaminant availability and assessment of impacts.

  • Relation entre la spéciation des contaminants et les effets sur les organismes du sol. Nous avons spécifiquement étudié cette relation en utilisant le concept de biodisponibilité tel que décrit dans la norme ISO 17402, en nous concentrant sur le rôle de la matière organique à la fois comme ligand des contaminants et source de nourriture pour les organismes.
    Un modèle conceptuel de relation de cause à effet a été élaboré et une validation a été recherchée à l'aide de données issues d'études de microcosmes sur des vers de terre exposés à un gradient de contamination in situ. La relation causale entre la disponibilité de contaminants dans le sol et l'absorption de contaminants par les vers de terre (appelée biodisponibilité environnementale) a été établie en fonction du type de contaminant (Beaumelle et al., 2015) (Fig. 19). La distribution subcellulaire du Cd chez le ver de terre a été trouvée dépendante de la teneur totale en Cd du sol, tandis que la distribution subcellulaire du Pb était uniquement liée à la teneur totale en Pb interne du ver. Aucune relation de cause à effet n'a pu être trouvée entre la disponibilité en métal du sol et la teneur en glycogène des vers de terre en tant qu'indicateur de biodisponibilité toxicologique, mais nous avons plutôt constaté que la texture du sol et les métaux extractibles avec CaCl2 étaient les deux seuls paramètres expliquant les teneurs internes en lipides et en protéines (Beaumelle et al., 2014). Les fractions subcellulaires de métaux dans les vers de terre se sont révélées être de meilleurs biomarqueurs que le contenu interne total correspondant (Beaumelle et al., 2017). Enfin, un modèle d'équation structurelle a été utilisé pour confirmer qu'une relation de cause à effet peut être établie lorsqu'il s'agit de Cd et de Pb mais pas de Zn, et pour déterminer si certains indicateurs sont robustes ou non (Beaumelle et al., 2016).
  • Biodisponibilité et mélange de contaminants. Un travail important a été effectué dans le cadre d’un projet ANR (projet CEMABS), par la collaboration des équipes sol et Ecotox d'EcoSys, où l’importance de prendre en compte la biodisponibilité des composés antibiotiques a été évaluée pour traiter les effets sur le fonctionnement microbien du sol. Le contexte de cette étude était le recyclage des déchets organiques urbains ou agricoles. Les activités microbiennes et la PICT (Pollution Inducing Community Tolerance) ont été utilisés comme outils puissants pour évaluer la relation entre la nature des intrants organiques et les flux de contaminants associés, et les effets sur les fonctions du sol recyclant les éléments nutritifs (Goulas et al., 2014; David et al., 2016; Crouzet et al., 2015, 2016.). De plus, les travaux initiés sur les effets du mélange de contaminants, qu'il s'agisse de mélanges de pesticides (projet IMPEC) ou de mélanges organo-minéraux (antibiotique - métal dans le projet CEMABS), ont permis d'identifier des descripteurs d'activité microbienne comme la nitrification comme particulièrement sensibles pour les communautés microbiennes et leurs fonctions. Le couplage d'expériences basées sur des essais biologiques avec des modèles d'interaction toxicologique de contaminants (attention, concentration) nous a permis d'évaluer la généricité des modèles de mélanges pour l'évaluation des risques pour l'environnement des effets des contaminants sur les fonctions microbiennes du sol (Chatillon et al., 2017). Cette approche par mélange permet d’identifier les interactions entre contaminants, telles que les effets synergiques ou antagonistes, mais concerne principalement les effets à court terme sur les activités microbiennes potentielles lors de l’utilisation de conditions basées sur des essais biologiques.

Date de modification : 06 juillet 2023 | Date de création : 28 septembre 2018 | Rédaction : sophie formisano